Le port de Ploumanac'h unit les poètes
Freddie Breizirland-Jean-Marie Rouil
Dire que c'est un grand moment d'émotion qu'a vécu dimanche le Port de Ploumanac'h tient de l'euphémisme. Difficile en effet d'exprimer la profondeur des sentiments qui ont marqué la rencontre de Jean-Marie Rouil et Freddie Breizirland qui, convaincu que l'auteur du « Port de Ploumanac'h » était décédé depuis des années, avait inscrit la chanson à son répertoire afin qu'elle ne tombe pas dans l'oubli.
C'est une belle histoire, une histoire simple de marins et de poètes mais surtout de deux braves types pour qui la vie n'a de sens que dans le partage. Une histoire qui commence en 1967 quand Jean-Marie Rouil, auteur-compositeur-interprète, employé au café-cabaret « La Taverne » situé sous l'Hotel des Rochers compose la chanson « Le Port de Ploumanac'h ».
Cette chanson enregistrée sur un 45 tours va devenir l'hymne ploumanacain. Aujourd'hui encore elle figure au programme musical des élèves de l'école publique. Puis Jean-Marie Rouil a disparu et à la fin des années 70 le bruit a couru qu'il était mort. Les anciens ont même fait dire une messe pour le repos de son âme à la chapelle ND de La Clarté.
De passage à Ploumanac'h où il vient régulièrement soutenir l'action des bénévoles de la station SNSM, le chantre des marins, Freddie Breizirland avait entendu la chanson dans une fête : « L'interprétation je me souviens n'était pas terrible mais j'ai été frappé par la beauté du texte. Je me suis dis qu'il ne fallait pas laisser un tel chef-d'oeuvre tomber dans les oubliettes et je l'ai enregistrée en 82 avec Cécile Kerleau ». Un artiste pas une vedette
On avait dit Jean-Marie Rouil parti vers le sud. Tout le monde avait pensé sud de la France mais c'était vers le sud de la Bretagne, qu'il avait émigré avec sa guitare. C'est à Vannes en effet que la version de Freddie lui est arrivé dans les oreilles. Pour beaucoup moins que ça aujourd'hui dans le show-biz on fait un procès. Mais loin de lui envoyer son avocat, l'auteur a préféré au contraire connaître l'interprète et faire savoir aussi aux ploumanacains qu'il était bien vivant.
Et la rencontre dimanche sur le port de Ploumanac'h des deux poètes a été un grand moment d'émotion. Sur la terrasse ensoleillée du Café du Port ils ont découvert à coup de rimes et d'accords de guitare qu'ils partageaient une même philosophie de la vie basée précisément sur le partage. « Je suis un artiste, pas une vedette » se plaît à rappeler Jean-Marie pas vraiment étonné d'apprendre que la démarche de Freddie n'avait aucune motivation mercantile sinon pour la bonne cause puisqu'il reverse tous ses cachets au sauvetage en mer.
Mémoire collective Et la proximité de l'Hotel de Rochers a ravivé quelques souvenirs à l'auteur : « C'est Jean Lou Justin qui m'avait donné l'idée d'écire la chanson. Un jour il m'avait dit regarde le port ; à marée basse on dirait un décor de théâtre ». Jean-Marie Rouil estime d'ailleurs que lorsque l'on passe à Ploumanac'h on n'en ressort pas intact. « C'est comme lorsque l'on rencontre une grande vedette » explique celui qui a cotoyé Brassens et Piaf.
Il n'était pas marin mais il avait su percer l'âme des gens de mer auprès des pêcheurs comme Dédé Le Vot. Une grande figure aujourd'hui disparue à laquelle Jean-Marie Rouil a pu rendre hommage avant de repartir, en chantant en duo avec Freddie Breizirland « Le Port de Ploumanac'h » sur le pont de l'Aimée-Hilda que Loulou Morvan avait amené au quai de Ty-Ru. Le pont de l'ancien canot de sauvetage restauré a servi de scène pour un beau moment de poésie suivi sur les rochers par de nombreux ploumanacains tout heureux de savoir en vie l'auteur de la chanson qui fait maintenant partie de leur mémoire collective. Freddie Breizirland et Jean-Marie Rouil ont scellé leur nouvelle amitié en interprétant « le Port de Ploumanac'h » sur le pont de l'Aimée-Hilda.